La pénurie de médecins et les déserts médicaux combinés à la télémédecine inspirent les créateurs de business. La SNCF, les supermarchés, La Poste s’emparent de la Santé comme activité de reconversion ou comme produit d’appel. Attention danger pour la qualité des soins.
Tout porte à croire que les vannes de l’inventivité débridée sont ouvertes au nom de la lutte contre les déserts médicaux. La SNCF a ainsi annoncé vouloir créer dans ses gares les premiers espaces de santé en 2024 et en déployer 300 d’ici à 2028.
Si certaines gares comme la gare de Lyon à Paris accueillent déjà des laboratoires de biologie médicale, ici, le projet est plus ambitieux : la SNCF veut déployer des espaces de télémédecine dans les gares situées au cœur de déserts médicaux. Les gares sélectionnées pour bénéficier du dispositif seront, explique SNCF Gares et Connexions « situées dans les zones d’intervention prioritaires (ZIP) et les zones d’aménagement concertées (ZAC), caractérisées par une offre de soins insuffisante et une difficulté d’accès aux soins». Soit 1 735 gares potentielles. Un projet qui, sous prétexte de bonne action, vise aussi (surtout ?) à revitaliser de nombreuses gares en déshérence et à valoriser le foncier.
Un loueur de matériel de chantier derrière la SNCF
La SNCF assure que l’implantation de ces espaces de santé sera faite en accord avec l’ARS (agence régionale de santé), l’Assurance-maladie et les élus locaux… Et que l’exploitation de ces centres sera confiée à Loxamed. Cette société, filiale de la société de location de matériel de chantier Loxam, est née d’un coup de génie lors du Covid. En 2020, Loxam avait en effet proposé de mettre à disposition ses cabines de chantier inutilisées à disposition pour créer des centres éphémères de dépistage. La société de location ne s’est pas arrêtée en si bon chemin et a créé Loxamen.
Comme elle l’explique sur son site, Loxamen « développe des services de santé innovants auprès des collectivités territoriales et dans des secteurs et des activités majeurs pour la vie des citoyens : transports (notamment avec groupe SNCF et Air France), parcs à thème, chantiers, événements sportifs ou culturels ».
La Santé, un supermarché pour tous ?
Après La Poste et les services à domicile assurés par les Postiers, les cabines de téléconsultations installées dans les supermarchés, cette nouvelle annonce est caractéristique de la tendance actuelle : tout le monde se mêle de santé, une activité qui devient de plus en plus un service comme les autres, avec toutes les dérives qui y sont associées. Qui peut nous faire croire en effet que les sociétés privées à qui sont confiées ces activités ne vont pas rechercher la meilleure profitabilité possible ? Risque de guerre commerciale autour du soin, de sélection des patients, de déstabilisation profonde de l’exercice des professionnels libéraux sur les territoires…
Pas de vraies solutions sans impliquer les professionnels de santé
La FNI proteste vigoureusement contre ces projets mortels pour l’offre de soins de qualité dans notre pays. Les patients, les professionnels de santé libéraux, la télémédecine méritent mieux. Travaillons comme le fait par exemple eMeuse Santé dans l’Est de la France en concertation avec les CPTS, l’ARS et les collectivités locales, pour implanter des services de téléconsultation vraiment utiles, intégrés à l’offre de soin du territoire et aux mains des professionnels de santé. Arrêtons de croire que le problème des déserts médicaux se résoudra sans, voire contre, les professionnels de santé des territoires en tension.