50 pharmaciens bretons prennent directement les patients en charge pour ce que l’ARS appelle les « petits maux » (brûlures, rhinite, piqûres de tiques, maux de tête…) sans passer par la case médecin. Cette expérimentation hérisse les médecins et les infirmières libérales. Explications.
Depuis la rentrée, dans le cadre d’une expérimentation « article 51 » portée par l’association de Pharma Système Qualité avec la bénédiction des URPS des pharmaciens et des médecins, cinquante pharmacies bretonnes sont autorisées à prendre en charge directement des patients dans un cadre protocolisé. Le « conseil pharmaceutique en première intention » s’applique pour 13 symptômes identifiés : rhinite, douleur pharyngée, douleur lombaire, diarrhée, vulvo-vaginite, céphalée, constipation, douleur mictionnelle, conjonctivite, piqûre de tique, plaie simple, brûlure au 1er degré, dyspepsie fonctionnelle.
Après un entretien avec le patient, le pharmacien, arbres décisionnels à l’appui, conseille au patient un médicament adapté (hors prescription médicale obligatoire), l’adresse vers un médecin généraliste ou l’envoie vers un service d’urgence. C’est ce que l’ARS décrit comme des « situations de triage ». En six mois, les 50 officines ont pris en charge 400 patients en accès direct dont 25 % ont finalement nécessité une consultation médicale. Et à grand renfort de sondage, selon une méthode déjà vue pour la vaccination, l’ARS et les pharmaciens expliquent que 99 % des patients pris en charge directement par le pharmacien sont satisfaits.
Cette « innovation organisationnelle », toujours selon les mots de l’ARS bretonne, n’est pourtant pas du goût de tous, à commencer par les médecins. Certes, ils y voient une solution d’appoint pour alléger la pression sur leur carnet de rendez-vous dans les grands déserts médicaux. Mais, rappelant leur monopole du diagnostic, les médecins refusent de voir le pharmacien devenir le « gate-keeper » donnant, ou non, le feu vert à la consultation médicale. D’autant qu’ils n’ont aucune expertise clinique.
Du côté des infirmières libérales, ça coince aussi. Tout d’abord parce qu’elles sont les plus qualifiées pour effectuer le « triage » des demandes de soins, et qu’on leur refuse l’accès direct. Ensuite parce que la prise en charge des plaies, des brûlures et de la douleur, fait partie du champ de compétence des infirmières. Si la coopération entre professionnels de santé est indispensable, les infirmiers qui aspirent à devenir une profession à compétences médicales définies, comme les pharmaciens, sont ulcérés de voir qu’on nie encore leur expertise clinique.
Mais la vaccination est passée par là. Tout était parti d’expérimentations menées par les URPS de pharmaciens qui avaient multiplié les communiqués de victoire pour finir par faire craquer le ministère de la santé. La FNI tient les pharmaciens à l’œil et remettra les choses à plat avec les intéressés et le ministre de la Santé, lorsque celui-ci sera nommé.