Le ministre de la Santé et de la Prévention a très désagréablement surpris le monde infirmier lors de la 29ème université de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) à Arcachon, le 7 octobre. Il a notamment pris le contre-pied de son prédécesseur, François Braun, en affirmant que l’accès direct à certains professionnels de santé paramédicaux est un leurre.
Effarant et inquiétant.
« Penser que c’est l’accès direct qui nous sortira des difficultés, c’est une fausse promesse, c’est un miracle, et je ne poursuivrai pas sur le chemin de ce miracle, a averti Aurélien Rousseau. C’est le médecin qui doit coordonner et suivre toutes les interventions pluriprofessionnelles. Il ne s’agit pas de le remplacer comme certains l’avancent parfois. Au contraire, nous devons assurer que chaque Français doit pouvoir avoir un médecin traitant. »
Des propos aux allures de coup de tonnerre qui sonnent comme une remise en cause des acquis récents et futurs pour la profession infirmière. Et d’abord de la loi Rist qui donne la possibilité aux patients de consulter directement notamment des IPA sans ordonnance médicale. A condition que ces derniers exercent, pour ce qui est de la ville, dans une maison ou un centre de santé. Pas sûr que cette porte ouverte le reste très longtemps.
De même faut-il s’inquiéter du sort qui sera fait à la proposition de la loi Valletoux qui doit prochainement être débattue au Sénat et qui consacre le statut d’infirmier référent. Lequel est censé «exercer un rôle de suivi paramédical des patients et de coordination des soins. (…) Il assure une mission de prévention, de suivi, de renouvellement des soins infirmiers pour les patients chroniques.»
Il y a fort à parier que le ministre de la Santé pèse de tout son poids pour que la chose aboutisse. « Le clientélisme est plus efficace que la loi »
La FNI déplore évidemment la sortie d’Aurélien Rousseau, « une déclaration à l’emporte-pièce lancée à la volée devant un parterre de médecins chauffés à blanc, à la veille de négociations conventionnelles qui s’annoncent délicates ». Une stratégie qui « ne doit duper personne. Ses critiques qui ont suivi sur les mesures contenues dans les deux lois Rist indiquent aujourd’hui que le clientélisme est plus efficace que la loi », pointe la Fédération qui s’attend à des effets dévastateurs de tels propos : « Au mieux (ils vont) démobiliser les professions qui sont prêtes à apporter leur pierre à l’édifice de l’accès aux soins ; au pire (ils créeront) des coalitions opportunistes qui ajouteront du trouble au trouble. »
Et sur le fond, on est, au choix, dans la fuite en avant ou dans l’aveuglement :
« Continuer à affirmer que l’attractivité de la médecine générale va résoudre ces problèmes d’accès aux soins alors que nous sommes déjà dans le mur de l’explosion des maladies chroniques et du vieillissement de la population relève de la méthode Coué. »
« Nécessaire que les médecins libéraux puissent réinventer leur métier »
Mais il semble que le ministre de la Santé s’inscrive dans le médico-centrisme échevelé qui a cours dans le pays. Le contenu de la lettre de cadrage de la reprise des négociations conventionnelles entre la Cnam et les médecins est un modèle du genre. Extraits : « À l’heure où notre pays fait face à une pression extrêmement forte sur les professionnels de santé […] il nous semble nécessaire que les médecins libéraux aient la possibilité de réinventer leur métier, de contribuer aux évolutions structurelles de notre système de santé et ainsi de mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens », peut-on lire. Et encore : « Nous mesurons pleinement les revendications des parties prenantes en la matière (de rémunération, N.D.L.R.) et il est nécessaire de travailler à de nouvelles évolutions, au-delà du montant arrêté dans le règlement arbitral. »
Le Gouvernement entend « faciliter l’évolution des modalités de rémunération des médecins ».
Plus largement, l’évolution du rôle du médecin traitant doit être envisagée « afin de mieux répondre aux enjeux du vieillissement et de l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques ».
Tout est, hélas, dit.