Le logiciel de la Cour des Comptes ne change pas ! Un rapport publié en début d’année nous en dit long sur la vision que l’institution déploie de la prise en charge à domicile des patients. Décryptage :
Les Sages de la rue Cambon ont publié, en début d’année, un rapport sur « Les services de soins à domicile ». Le sous-titre – « Une offre à développer dans une stratégie territorialisée de gradation des soins » – en augure le contenu. A des degrés divers, ces quatre catégories de services – Services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), Services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) et Services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) – sont présentés comme l’alpha et l’oméga du virage ambulatoire. Les Idel, eux, ont avant tout vocation à être à leur… service.
Dès le départ, on sent le traquenard et le parti-pris biaisé lorsque la Cour assure que « le constat d’un coût deux fois moindre pour les dépenses publiques de l’accompagnement à domicile par rapport à la prise en charge en établissement doit être relativisé » dans la mesure où « les coûts publics sont commensurables si l’on restreint la comparaison aux soins techniques (…) en comparant les dépenses publiques moyennes par place entre Ssiad et établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ». Sauf que l’on pourrait, pour ne pas dire devrait, aussi comparer le coût de la prise en charge desdites personnes par les établissements (HAD comprise) et par les Idel en tant que tels et non dans le cadre des Ssiad. Et là, on s’apercevrait que les infirmiers libéraux coûtent nettement moins cher au système de soins. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la FNI demande depuis plusieurs années l’externalisation des actes infirmiers des forfaits Ssiad.
Un « renforcement de l’offre au sein d’écosystèmes de santé intégrés »
Et même quand ils ont contractualisé avec les Ssiad, les Idel coûtent visiblement trop cher, estime la haute juridiction financière : « L’Ondam des soins de ville constitue un point de fuite qu’il apparaît nécessaire de mettre sous contrôle. En particulier, les dépenses d’Actes infirmiers de soins (AIS) – qui correspondent à des soins d’hygiène – dont la Cour des comptes avait déjà relevé l’inégalité de répartition sur les territoires et souligné la corrélation avec la densité des infirmiers libéraux, doivent faire l’objet d’un encadrement plus ferme. » C’est sûrement aussi pourquoi la Cour prône, au nom d’une soi-disant efficience accrue, une médecine structuro-centrée, y compris en ville. Et donc que les Ssiad sont vantés : ils sont « essentiellement fournisseurs de soins de base et relationnels prodigués par des aides-soignants et permettent une délimitation efficiente des tâches entre les professionnels assurant la prise en charge ». L’idée est que « le renforcement de l’offre sera d’autant plus efficace qu’il s’inscrira dans une logique de gradation des soins et au sein d’écosystèmes de santé intégrés ». Avec qui à la baguette ? Les Agences régionales de santé (ARS), bien sûr, lesquelles « par leur capacité à signer des Contrats d’objectifs et de moyens, détiennent les leviers susceptibles de faciliter une meilleure articulation des interventions auprès des patients et la rationalisation des parcours de soins. Il leur revient d’organiser effectivement ces articulations au sein des bassins de vie. »
Choyer les aides-soignants plus que s’appuyer sur les Idel
Enfin, plus que de s’appuyer sur les Idel, il est prévu, comme c’est dans l’ère du temps, de choyer les aides-soignants et, entre les lignes, d’étendre leur champ de compétences : « L’attractivité́ des services de soins à domicile se pose particulièrement pour les aides- soignants. Il convient de réfléchir à des modes d’organisation du travail et à une amplification de la promotion interne qui donnent des perspectives de carrière à ces professionnels. » Bref, ce rapport est une illustration éclatante de l’incapacité des corps d’État à réfléchir en termes de structures, de hiérarchie et de contrôle. La vieille culture du dirigisme administratif est encore bien présente… malgré des années d’échec et de gabegie.