Dans le cadre du projet de budget de la Sécu pour 2018 qui a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 31 octobre, le Gouvernement prévoit d’étendre à tous les prescripteurs, infirmières libérales comprises, les mesures de la mise sous objectifs (MSO) et de la mise sous accord préalable (MSAP).L’effet de ce projet est double et à redouter pour notre profession. Tout d’abord, c’est de voir apparaître une forme de « délit statistique ». En effet, le risque est de permettre aux caisses de se baser sur des moyennes pour déterminer qui sera dans ou en dehors des clous, cela sans prendre en considération les particularités de patientèle et autres paramètres très nombreux qui influent sur l’activité et les prescriptions. Ensuite, il faut savoir qu’après le déclenchement des procédures de MSO et MSAP, l’activité est sous la tutelle des caisses et le professionnel de santé concerné est implicitement « coupable » de « délit statistique ». Il encourt alors des pénalités financières susceptibles d’être prélevées.
Jusqu’à présent ces dispositifs de « chasse au gaspi » étaient réservés surtout aux médecins en tant que principaux prescripteurs. Pourtant, on ne peut pas dire que ce sont les prescriptions infirmières qui creusent le déficit de la Sécu. C’est même tout le contraire. Le droit de prescription des IDEL concerne principalement les dispositifs médicaux relatifs aux pansements et se concentre donc sur la prise en charge des plaies, il a été étendu au renouvellement des prescriptions de contraceptifs oraux datant de moins d’un an, et depuis 2016 aux substituts nicotiniques. Ainsi, les IDEL contribuent à éviter des consultations médicales inutiles tout en élargissant l’accès aux soins et à la prévention.
La Fédération nationale des infirmiers (FNI) estime qu’avec la MSO et la MSAP, si on voulait décourager les IDEL on ne s’y prendrait pas autrement. En agitant le spectre d’une pénalisation de la prescription infirmière, les Pouvoirs publics sont anachroniques. Il suffit de regarder les avancées dans les autres pays européens qui, tout au contraire, y voient une chance (voir ce lien).
En outre, le dispositif de MSO et de MSAP est un piège pour la profession qui risque de se voir imposer des normes quantitatives d’activité reposant sur des statistiques sorties du chapeau des caisses ou pire… des ARS !
C’est pourquoi la FNI a décidé d’agir au niveau du Parlement. La Fédération a d’ailleurs rédigé une proposition d’amendement dans ce sens qui a déjà retenu l’attention de plusieurs Sénateurs. A noter que le ministère de la Santé aurait renoncé, en 2015 et en 2016, à étendre la mise sous objectifs et de la mise sous accord préalable aux IDEL. Comment ce qui n’était pas justifié les années précédentes le serait-il davantage aujourd’hui ? Le projet de budget de la Sécu sera discuté au Sénat à partir du 8 novembre. Affaire à suivre…