La lutte contre les fraudes s’amplifie. Le gouvernement resserre les mailles du filet à grand renfort d’algorithmes et se lance dans une politique du chiffre. Les infirmières qui commettent des erreurs, de bonne foi risquent d’être étrillées au même titre que les serial fraudeurs.
Avec un déficit brutalement creusé par la crise sanitaire, le gouvernement cherche par tous les moyens à renflouer les finances publiques. Parmi les solutions qui s’offrent à lui, aucune n’est populaire. Les hausses d’impôts ou de taxes passent mal dans le deuxième pays le plus taxé du monde après le Danemark (source OCDE). Les économies sur les services publiques, elles aussi, passent mal… surtout chez les fonctionnaires toujours prompts à déclencher des grèves paralysantes pour l’économie. Dans ce paysage, désigner des boucs émissaires reste une formule sûre pour recueillir l’adhésion des Français. Et ça fonctionne ! Car, c’est bien connu, celui qui fraude est toujours l’autre.
Dans ce contexte, le Gouvernement, sous l’impulsion du ministère de l’Economie et des Finances, a impulsé depuis deux ans le renforcement de la lutte contre les fraudes… et fait du produit de cette lutte un moyen d’équilibre de ses comptes.
Depuis le début de l’année, l’Assurance maladie a la possibilité de pénaliser un professionnel de santé et de lui réclamer des indus sur l’ensemble de son activité après avoir constaté des anomalies sur un échantillon de sa facturation. Pas de chance si dans le lot, une erreur de cotation a été répétée de bonne foi sur quelques factures ! La FNI s’était fortement mobilisée contre cette disposition qui, d’une part, contournait clairement les dispositions prévues dans la convention en matière d’indus et pénalités et d’autre part, ne laissait aucune place au contradictoire. Les professionnels incriminés se voyaient privés de toute possibilité de se défendre. Face au tollé général soulevé par ce dispositif, le directeur de la CNAM, Thomas Fatome avait reconnu publiquement en juin dernier qu’il ne l’avait pas « encore » mis en œuvre. Ce qui ne signifie pas qu’il y renonce…
Dans le projet de budget de l’assurance maladie pour 2024, dont la discussion a débuté mardi soir à l’Assemblée nationale, le gouvernement revient à la charge. Il prévoit, en cas de fraude, la suspension automatique de la participation de la CNAM à la prise en charge des cotisations sociales des professionnels. Cette mesure, là encore, contourne le cadre conventionnel puisque ce type de sanction relève des commissions conventionnelles.
Si les fraudeurs intentionnels doivent être légitimement débusqués et sanctionnés, il est essentiel de distinguer les professionnels de bonne foi confrontés à des cotations complexes, des cas de fraudes volontaires à grande échelle.
En plus du caractère inacceptable de ces dispositifs qui contournent la convention et privent les professionnels de santé de toute possibilité de bénéficier d’une procédure contradictoire qui fonde le droit dans les démocraties, la FNI s’inquiète du retour de la politique du chiffre.
Ainsi, pour équilibrer le budget 2024 de l’Assurance maladie prévoit de récupérer 500 millions d’euros sur les professionnels. Le produit de la lutte contre les fraudes à la sécu, comme celui d’ailleurs des PV des automobilistes, sont devenus des recettes nécessaires à l’équilibre des comptes publics. Et cela revient à lancer la chasse aux sorcières et à tirer à vue en plaçant au même niveau les étourdis et les voyous, en jetant l’opprobre sur les professionnels de santé. Comme c’est commode pour le Gouvernement au moment où la société française est divisée !
La FNI va une fois de plus mener le combat pour l’honneur de la profession en agissant auprès des pouvoirs publics et en menant tous les recours pour empêcher l’application de sanctions décidées en dehors du cadre conventionnel. Et comme syndicat responsable, la FNI veut aussi donner aux infirmières et infirmiers libéraux les moyens de ne pas se mettre en difficulté. Pour cela, des sessions de formation au bon usage de la nomenclature et des cotations sont organisées. Car même, pour celles et ceux qui exercent de longue date, une piqûre de rappel n’est jamais inutile !