Luc Broussy, fondateur du think tank Matières Grises (https://matieres-grises.fr), figure incontournable du secteur médico-social, est intervenu en début de congrès au sujet de son récent rapport coécrit avec Stéphane Pardoux, le directeur de l’ANAP, sur le « Domicile du futur ». Au-delà de son profil très orienté vers les structures, Luc Broussy a proposé une analyse éclairante des évolutions démographiques à venir, qui permet de prendre conscience des différents défis qu’il va falloir relever en termes d’approche domiciliaire. Points clés.
Quel vieillissement ?
Luc Broussy prévient : pour réfléchir correctement aux enjeux de la prise en charge des personnes âgées, de plus en plus nombreuses, il ne suffit pas de dire que la proportion des personnes de plus de 65 ans augmente fortement. Il faut affiner et considérer trois tranches d’âge aux besoins très différents :
- Les 60-75 ans : des seniors actifs et retraités, autonomes, indépendants. Ils ne font pas l’objet de politiques publiques particulières… et n’en ont pas besoin, hormis pour la prévention des premières fragilités.
- Les 75-84 ans : des personnes âgées qui commencent à connaître quelques fragilités – physiques, psychiques, sociales – mais qui, dans leur immense majorité, vivent à domicile. Elles ne bénéficient pas d’une politique publique assez volontariste. Or, il faut tout faire pour leur permettre de retarder le plus possible l’entrée dans la dépendance. Leur nombre va exploser : de 4 millions en 2020, ils seront 6 millions en 2030.
- Les 85 ans et plus : c’est à partir de cet âge que le recours aux services à domicile et aux EHPAD commence à augmenter. Ils font l’objet de politiques publiques nationales, départementales et locales, certes insuffisantes, mais réelles. Cependant, leur nombre va plutôt stagner entre 2020 et 2030.
Pour Luc Broussy, vous l’aurez compris, il est essentiel de se préoccuper activement des 75-84 ans.
Des personnes âgées bien différentes aujourd’hui et demain
Mais au-delà des chiffres, Luc Broussy attire l’attention sur l’identité de ces personnes qui, entre 2020 et 2030, auront entre 75 et 85 ans : il s’agit de la génération des baby-boomers, qui a « fait » 68, qui a grandi et vieilli dans la culture de la liberté, de la consommation, du féminisme, de l’écologie… Bref, des personnes âgées qui ont des repères et des exigences très différentes des générations précédentes.
Des personnes âgées qui veulent gérer leur vieillesse et qui sont bien décidées à rester chez elles le plus longtemps possible, quitte, pour cela, à changer de domicile. C’est ce qui explique aujourd’hui le boom des résidences-services seniors.
Les défis à relever
Pour Luc Broussy, afin de répondre aux défis du virage domiciliaire qui concernent cette population bien identifiée de personnes âgées de 75-84 ans issues du baby-boom, il faut relever une série de défis dont les solutions doivent former un continuum cohérent.
Et les sujets sont nombreux :
- L’adaptation des logements : c’est le premier et le plus important défi, à aborder de façon préventive. Aujourd’hui, entre 8 000 et 10 000 personnes de plus de 65 ans meurent chaque année d’accidents domestiques, soit plus que sur la route. Cette adaptation doit pouvoir se faire avant la survenue du premier accident et répondre aux besoins à la fois des personnes âgées et des aidants familiaux et professionnels (comme les IDEL, etc.).
- Consolider la prise en charge à domicile, en particulier celle du premier recours, en mettant les IDEL au cœur du dispositif, mais en articulant et coordonnant bien mieux les différents intervenants sanitaires et médico-sociaux. Pour Luc Broussy, il faut que les personnes âgées puissent disposer d’une palette de solutions adaptées à leur situation partout sur le territoire.
- Deux sujets précis à améliorer : l’organisation des interventions de nuit à domicile en cas de besoin et celle des soins palliatifs à domicile.
- La question des aidants : il faut s’y pencher sérieusement pour en faire de véritables atouts dans la prise en charge des personnes âgées à domicile, en harmonie avec les intervenants extérieurs.
- S’appuyer sur l’innovation et l’intelligence artificielle générative : grâce à la commande vocale « intelligente », l’IA est en train d’éliminer le problème de l’interface homme/machine et soutient le rôle des aidants familiaux et professionnels.